- ENTREE de SECOURS -



mardi 9 juillet 2019

La guerre de l'huile

Leslie Varenne
Iveris
lun., 08 juil. 2019 18:58 UTC


Cette étude, réalisée seulement avec des sources ouvertes, est née après avoir lu un post sur les réseaux sociaux. Une internaute, dont le pseudonyme Célestine anticolonialiste parle de lui-même, pestait contre la diabolisation de l'huile de palme « les industriels impérialistes aiment trop mentir. Moi, je la mange et en plus j'ai une belle peau ! ». Et son ami, Bakary, de lui répondre « Depuis quand l'huile de palme est mauvaise ? Pour que nous achetions leur huile d'olive ? Je ne le ferai pas. » 

N'ont-ils pas raison ? Pourquoi tant de haine versée sur l'huile de palme et rien ou presque sur les autres oléagineux ? L'IVERIS a fait des recherches, a tiré le fil du mensonge et tout est venu... (1) 

Pour résumer les attaques d'à peu près toutes les ONG occidentales ayant pignon sur la planète, Greenpeace en tête, la culture de palmiers à huile serait responsable de la déforestation, de l'appauvrissement des sols et de la disparition des espèces telle que l'Orang-Outan (2); par conséquent, elle serait également responsable des gaz à effets de serre et donc du réchauffement climatique ; et comme si cela ne suffisait pas, elle serait aussi néfaste pour la santé (3). Chaque ONG œuvrant dans son domaine de compétence et toutes ayant à cœur de participer à la curée, Amnesty International et Oxfam ont apporté leur contribution en dénonçant le non-respect des droits humains et les conditions de travail dans les plantations de palmiers à huile (4-5). 

Bien entendu, il ne s'agit pas ici de défendre les conditions de travail imposées par les multinationales aux travailleurs des plantations d'huile de palme.
Néanmoins, elles ne sont ni pires ni meilleures que celles en cours dans tous les autres secteurs des pays du sud, bois, coton, café, cacao, hévéa, soja au Brésil etc.

Il est difficile de dater précisément le début de ces attaques, elles sont montées en puissance au fur et à mesure que l'huile de palme a commencé à supplanter le soja, le colza et le tournesol. En vingt ans, la consommation mondiale est passée de 14.6 millions de tonnes en 1995 à 62.6 millions de tonnes en 2015, cela donne une idée de la place prise par cette culture sur le marché des huiles (6). 

huile

Au cours des dix dernières années, la campagne d'ostracisation menée par les ONG a atteint des sommets. A tel point que leurs arguments répétés à satiété ont fini par entrer dans les cerveaux des consommateurs qui se détournent de ce produit. Certaines marques, clouées au pilori, se blanchissent désormais de toute satanée trace d'huile de palme dans leur produit en mentionnant « palme free » sur leurs emballages. 

La guerre de l'huile bat son plein... 

La guerre des données 

Sur ce sujet, il existe une importante littérature, de nombreux chercheurs ayant écrit des articles sérieux. Signalons également le site GAPKI, une association indonésienne qui fait un énorme travail de réinformation (7). - L'Indonésie est le plus important exportateur d'huile de palme, avec la Malaisie, ils produisent 90% de la consommation mondiale. - Mais, les ONG, les médias, et même le Parlement européen se contentent de raisonnements parfois justes mais partiaux, juxtaposés à des chiffres qui ne sont étayés par aucune étude scientifique, au mieux relèvent-ils de données partielles ou orientées. 

L'article le plus édifiant, concernant l'utilisation peu orthodoxe des chiffres, est celui paru en 2017 dans The Conversation signé par trois scientifiques (8). Dans cette recherche, intitulée « Non, l'huile de palme n'est pas responsable de 40% de la déforestation mondiale », les auteurs ont essayé de comprendre comment le Monde, du 3 avril 2017, avait pu écrire cette révélation choc :

« La conversion des terres en plantations de palmiers à huile est à elle seule à l'origine de 40 % des pertes de couvert forestier naturel autour de la planète » (9).

Quelles étaient donc les sources du « journal de référence » pour arriver à un pourcentage aussi impressionnant ? En réalité, le Monde se réfère à un rapport du Parlement européen, qui lui-même s'appuie sur de nombreuses sources : une expertise commandée à trois cabinets privés, dont le citoyen ne sait rien ; la FAO ; un think tank américain, WRI, proche des démocrates (10) ; Forest trends, une ONG basée à Washington DC, dont le fondateur a travaillé pour l'USAID et est un ancien des Peace Corps au Nicaragua, etc (11). De fil en aiguille, de sources compulsées ici et là, de données de la FAO exactes, mais anciennes et mal interprétées, les 40% sortent comme un lapin du chapeau. 

Selon le calcul précis et détaillé de ces trois scientifiques, la culture du palmier à huile ne serait donc pas responsable de 40% de la déforestation dans le monde, mais de 2,3% ! Néanmoins, ce chiffre de 40% est resté dans les esprits et a été repris par certains médias. 

En dehors du sujet traité ici, cet article est exemplaire. Il démontre comment il est possible d'arriver à des aberrations à partir d'une donnée exacte (12). 

Par ailleurs, pour rester sur le chapitre déforestation, il va s'en dire que toute activité humaine, dont l'agriculture, a un impact sur l'écosystème. Cependant le palmier à huile ayant le plus grand rendement à l'hectare et ce, dans des proportions importantes, 3,8 tonnes à l'hectare, contre 0,5 pour le soja, sa culture est infiniment moins destructrice. 

huile

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Concernant tous les autres points décriés, santé, environnement, pesticides, l'huile de palme n'est pas mieux traitée. Dès 2012 pourtant, deux chercheurs canadiens ont publié une étude intitulée « Huile de palme : avantages sanitaires, environnementaux et économiques » (13). Leur conclusion est sans appel : « La plupart de ceux qui militent actuellement contre l'huile de palme, en faisant pression sur les fabricants et les distributeurs, agissent au nom de la protection de l'environnement. Pourtant, ces activistes sont frappés de myopie. Leurs actions échoueront à atteindre les grands objectifs qu'ils affichent : réhabilitation de l'environnement et amélioration des conditions de vie de populations pauvres. En effet, dans la pratique, aucune autre source d'huile végétale ne saurait préserver davantage de terres et mettre à disposition autant de calories accessibles, abondantes et abordables, pour les populations du monde entier. » 

Huile de palme VS Soja... 

C'est pourtant en se basant sur les informations de ces activistes myopes que la Commission européenne a publié, en mars 2019, un texte réglementaire qui limite la part de l'huile de palme dans les bio-carburants et l'interdit totalement d'ici 2030 (14). A juste titre, ce texte a déclenché l'ire de l'Indonésie et de la Malaisie.

Par cette action, la Commission européenne n'a pas cherché à préserver les intérêts des cultivateurs européens d'huile de colza et de tournesol, elle a avant tout protégé le soja de son allié américain.

Car, et c'est tout à fait remarquable, le texte de la Commission européenne, aboutit à condamner l'huile de palme et à blanchir le soja ! Pour arriver à ce résultat, il a fallu que la Commission joue les contorsionnistes en classant l'huile de palme à un risque très élevé (risque CASI), l'huile de soja, passant, elle, miraculeusement juste sous le seuil fatidique ! (15) Cette décision est d'autant plus scandaleuse que selon Gapki, les chercheurs canadiens et beaucoup d'autres, le soja est beaucoup plus toxique pour la planète : « le palmier à huile nécessite également beaucoup moins d'engrais, de pesticides ou de carburant par unité produite que le colza et le soja. » Au passage, pour toutes ces raisons, un boycott de l'huile de palme serait particulièrement délétère (16-17). 

Mais la Commission européenne ne s'est pas embarrassée de ces considérations scientifiques et factuelles. Par aveuglement de certains de ses clercs et par la trahison de certains autres, elle s'est immiscée dans la guerre commerciale sans pitié menée par les Etats-Unis pour protéger le soja, dont ils sont les premiers producteurs mondiaux et un acteur clé de la filière ; la part de l'huile de palme dans le marché mondial grignotant, année après année, celle du soja américain. 

Le soja a été aussi au centre de la guerre commerciale sino-américaine commencée en janvier 2018. Pour rééquilibrer sa balance commerciale avec Pékin, Washington a imposé, en 2018, des tarifs douaniers sur 34 milliards de dollars d'importations chinoises. La Chine a répliqué en taxant à 25% certains produits américains, dont le soja (18). 

Comme souvent dans ce genre de conflit, soit les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous, soit ils sont contreproductifs. Ce qui devait arriver, arriva, la Chine a revu sa copie, en diversifiant ses sources protéiques et en s'approvisionnant désormais au Brésil, au grand dam des producteurs de soja américain qui, ce n'est pas inutile de le rappeler, ont largement voté pour Donald Trump aux dernières présidentielles (19-20-21). Mais grâce à Jean-claude Junker, les agriculteurs américains, et la cote de Donald Trump, ont été momentanément sauvés. En effet, après une rencontre en juillet 2018, à la Maison Blanche, entre le président de la Commission européenne et le président américain, il a été convenu que l'Union européenne s'engageait à acheter plus de gaz et de soja aux Etats-Unis. En contrepartie, ces derniers s'abstenaient de mettre en œuvre leur menace de relever les droits de douane de 25% sur les exportations d'automobiles européennes, tant redoutées par l'Allemagne. 

Résultat, les exportations de soja US vers le vieux continent ont bondi de 121% entre juillet 2018 et la mi-avril 2019, garantissant ainsi le cours du soja, qui a faiblit mais n'a pas cédé (22). (Le cours du soja a été dopé ces derniers jours en raison du mauvais temps aux États-Unis en période de semis (23). 

A deux reprises donc, par le deal passé entre Juncker et Trump, puis par le texte réglementaire de mars 2019, les Européens n'ont pas hésité d'une part à « sacrifier » leurs propres producteurs de colza et de tournesol pour soutenir « l'ami américain », et, d'autre part à prendre le risque de se fâcher avec l'Indonésie et la Malaisie. 

Les pays africains producteurs d'huile de palme, notamment les deux plus importants, le Nigéria et la Côte d'Ivoire, n'ont, eux, pas réagi. Les raisons sont de deux ordres : certes, le Nigéria, est un important producteur mais il est aussi un gros consommateur donc il n'exporte pas son huile, mais au contraire en importe (24); la Côte d'Ivoire, elle, exporte mais en Afrique de l'Ouest seulement. Par ailleurs, ces Etats reçoivent des aides de l'UE et n'ont, par conséquent, guère de marge de manœuvre pour s'opposer. 

Les bienfaiteurs de l'humanité et le royaume des ténèbres 

Au final, dans cette campagne contre l'huile de palme qu'ont obtenu les ONG ? En cinq ans, le cours de l'huile de palme a chuté de 45,92%, tandis que le soja a perdu 29,1%, (les prix de l'huile sont corrélés à la hausse ou à la baisse) (25-26). La chute des cours a poussé les petits paysans à détruire leurs plantations d'huile de palme et à se tourner vers d'autres cultures (qui ne sont pas plus COP21 compatibles), tandis que les producteurs de soja américain sont largement soutenus lors des périodes difficiles par leur gouvernement. Résultat : qui paye les pots cassés ? Les petits planteurs africains qui sont les plus touchés par cette guerre économique. 

Ce sont donc une nouvelle fois les Africains qui trinquent et parmi eux, les plus fragiles, les petits pays et les petits producteurs, belle réalisation pour ces ONG, ces défenseurs de la planète et de l'humanité. Au passage, elles font coup double, puisqu'elles sont les premières à bénéficier des fonds distribués par l'UE pour endiguer l'immigration et essayer de relocaliser les petits paysans qu'elles ont contribué à ruiner ! 

Mais que dire puisque ces ONG, comme leurs bailleurs de fonds, elles reçoivent toutes des subsides des mécènes américains, au premier rang desquels se trouve, Georges Soros, bénéficient d'une sorte d'exceptionnalisme. Elles sont LE bien et guident les pas de l'humanité vers la lumière... 

Mais il ne faut pas s'y tromper dans cette affaire d'huile de palme, toutes ne sont pas des activistes myopes, certaines sont bel et bien parties au conflit d'une guerre économique (27). 

Au final, l'huile de palme est moins nocive pour la planète, pour l'économie des pays pauvres, et pour la santé des hommes que ces ONG qui en dénoncent à tout bout de champ, le caractère dommageable. 

En conclusion : suivez les conseils de Célestine anticolonialiste, mangez l'huile de palme, c'est bon pour la peau, grâce à sa teneur élevée en antioxydants, en vitamines A et E...

Sources : 

1) En référence au dernier livre de Philippe de Villiers sur l'Europe « J'ai tiré sur le fil du mensonge et tout est venu » 
(2) https://www.greenpeace.fr/greenpeace-huile-de-palme/ 
(3) http://nopalm.org/article-21-les-dangers-de-lhuile-de-palme-sur-la-santA 
(4) https://www.amnesty.fr/responsabilite-des-entreprises/actualites/huile-de-palme-travail-des-enfants-et-travail-force 
(5) https://www.oxfamfrance.org/?s=Huile+de+palme 
(6) https://www.palmoilandfood.eu/fr/la-production-d%E2%80%99huile-de-palme 
(7) https://gapki.id/ 
(8)https://theconversation.com/non-lhuile-de-palme-nest-pas-responsable-de-40-de-la-deforestation-76955 
(9)https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/04/03/les-ravages-de-la-culture-d-huile-de-palme-passes-au-crible-du-parlement-europeen_5104827_3244.html?xtmc=huile_de_palme&xtcr=4 
(10) http://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-8-2017-0066_FR.html?redirect 
(11) https://www.forest-trends.org/team/ 
(12) Dans cet article "Un Président ne devrait pas dire ça" Loïk Le Floch-Prigent revient sur le chiffre totalement absurde des 48 000 morts dus au diesel : http://loikleflochprigent.com/?p=825 
(13) https://www.institutmolinari.org/IMG/pdf/note0912_fr.pdf 
(14) https://www.capital.fr/economie-politique/bras-de-fer-sur-lhuile-de-palme-entre-lue-et-lasie-du-sud-est-1333470 
(15) https://www.euractiv.fr/section/energie/news/biofuels-commission-blacklists-palm-oil-throws-soybeans-lifeline/ 
(16) En 2011, la Malaisie et l'Indonésie ont produit à elles deux 36,3 % de l'offre mondiale totale d'huiles comestibles en utilisant seulement 5,5 % des surfaces plantées d'oléagineux. Ce résultat remarquable s'explique intégralement par la productivité élevée de la culture de l'huile de palme. En d'autres termes, le palmier à huile produit près de dix fois plus de matière grasse par hectare que le soja, et plus de cinq fois plus que le colza. 
(17) http://www.institutmolinari.org/IMG/pdf/note0912_fr.pdf et http://www.institutmolinari.org/IMG/pdf/note0912_fr.pdf 
(18)https://www.lepoint.fr/monde/guerre-commerciale-les-cultivateurs-americains-de-soja-entre-deux-feux-08-07-2018-2234232_24.php 
(19) https://www.paysan-breton.fr/2019/06/la-chine-revoit-sa-copie-en-soja/ 
(20) https://www.thestreet.com/markets/commodities/why-soybeans-are-a-proxy-for-the-trade-war-14726719 
(21) http://www.rfi.fr/emission/20190204-le-bresil-veut-profiter-long-terme-malheurs-soja-americain-chine 
(22)http://www.lafranceagricole.fr/actualites/cultures/union-europeenne-les-importations-de-soja-americain-senvolent-1,7,618929371.html 
(23)http://www.lafranceagricole.fr/actualites/bourse-de-chicago-le-soja-dope-par-la-crainte-de-recoltes-decevantes-1,7,4152698605.html 
(24)https://afrique.latribune.fr/afrique-de-l-ouest/nigeria/2019-03-20/huile-de-palme-gros-consommateur-le-nigeria-cherche-a-reduire-sa-facture-d-importation-811254.html 
(25) https://investir.lesechos.fr/cours/matiere-premiere-huile-de-palme-kuala-lumpur-futures,wmpcb,kpo,kpo,opid.html 
(26) https://investir.lesechos.fr/cours/matiere-premiere-huile-de-soja-chicago-futures,wmpcb,bo,bo,opid.html 
(27) Quelques jours avant la publication de cette note, Greenpeace a bloqué un bateau chargé de soja pour protester contre l'inaction du gouvernement en matière climatique et contre la déforestation. Cependant, ce bateau arrivait en provenance du Brésil qui concurrence dorénavant le soja américain. 


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