- ENTREE de SECOURS -



dimanche 15 janvier 2017

LES NOUVEAUX LOUPS de WALL STREET - Ali Baddou


https://www.youtube.com/watch?v=0KNwcJgKMbo

12 commentaires:

  1. L’angoisse de Satoshi


    Le 17 Avr 2015 à 17h00,
    par Benoit Huguet


    Entrez un instant dans la peau de Satoshi Nakamoto, l’inventeur de Bitcoin et voyez donc le système bancaire et monétaire avec ses yeux, vous comprendrez alors pourquoi Bitcoin est une innovation cruciale.

    Premier constat, notre monnaie de tous les jours est déjà bien virtuelle.

    D’après les statistiques de la banque centrale européenne (la BCE), l’Euro est produit électroniquement à plus de 90 % par un simple jeu d’écriture comptable[1]… et pour les 10 % restant, avec du papier, un peu d’encre et une bonne grosse imprimante rotative[2].

    Ainsi la planche à billet est progressivement remplacée par des ordinateurs à billets encore plus efficaces.

    Pour autant, ce n’est certainement pas cet aspect digital de la monnaie qui est de nature à effaroucher notre Satoshi, enfin pas directement. En revanche savoir qui a le droit de se servir d’un ordinateur à billet et selon quelles règles voilà qui a de quoi retenir toute son attention.

    Qui émet la monnaie ?

    Et bien, à priori, ni vous, ni moi, en tout cas pas le citoyen lambda. S’il s’y essaie en autodidacte, ça risque d’être très mal vu. Le fait de falsifier la monnaie ayant cours légal (article 442-1 du Code pénal) ou d’émettre une autre monnaie que celle ayant cours légal (article 442-4 du Code pénal) est considéré comme un crime, puni dans le premier cas par une peine de 30 ans de prison et 450 000€ d’amende et dans le second cas par 5 ans de prison et 75 000€ d’amende. Plutôt sévère comme sanction ! Surtout si on tourne quelques pages de ce code surprenant et qu’on y découvre que « le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie [n’]est puni [que] de quinze ans de réclusion criminelle » article 222-1 du code pénal, idem pour le viol, article 222-23 du code pénal. De là à affirmer qu’il est moins grave de torturer ou de violer quelqu’un que d’imprimer des faux billets… il fallait être législateur pour en avoir l’audace ! Les lois du législateur sont impénétrables, le citoyen en revanche…

    30 ans + 450 000 €

    La contrefaçon ou la falsification des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France ou émis par les institutions étrangères ou internationales habilitées à cette fin est punie de trente ans de réclusion criminelle et de 450 000 euros d’amende.

    Article 442-1 du Code pénal
    15 ans

    Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle.

    Article 222-23 du Code pénal
    Le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de quinze ans de réclusion criminelle

    Article 222-1 du Code pénal
    L’intérêt général et le Code Pénal…

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  2. Mais trêve de digressions. La gestion de l’émission monétaire (Euro, Dollar, Yen etc.) est l’apanage, d’une part des banques centrales (BCE, FED, BoJ etc.)[3] et d’autre part, ce qui est moins connu, des banques commerciales (Crédit Agricole, BNP, Dexia etc.) qui créent aussi de la monnaie en pratiquant ce qu’on appelle un système de réserves fractionnaires, à savoir qu’elles prêtent davantage de monnaie à leurs clients qu’elles n’en ont en réserve, selon des modalités strictement définies par nos bienveillants législateurs, cela va de soi[4].

    Fiat Money

    Les anglo-saxons appellent ces monnaies, Euro, Dollar et toutes les monnaies étatiques en général, des monnaies fiat. Le mot Fiat venant du latin et signifiant : « qu’il en soit ainsi ».

    En effet ce sont des monnaies dont l’acceptation à un cours officiel est imposée par la loi à tous les citoyens d’une zone géographique donnée. On dit de ces monnaies fiat qu’elles ont un cours légal et forcé.

    En France c’est le code pénal (article R642-3 du Code pénal), qui rend obligatoire sur le sol français l’acceptation des euros à leur cours officiel tout en interdisant l’acceptation, la détention ou l’utilisation de toute autre monnaie que la monnaie officielle (article R642-2 du Code pénal).

    Ce qu’il faut retenir de tout ceci, c’est que la valeur des monnaies fiat, contrairement à celle des monnaies métalliques qu’elles sont venues remplacer, ne dépend plus de la rareté naturelle du support avec lequel elles sont produites, ni d’une quelconque promesse de convertibilité en or, ou autre chose, mais uniquement de la loi et par conséquence de la sagesse et de l’intégrité de ceux qui l’écrivent et la font respecter.

    Le débat est donc ouvert à propos de la sagesse et de l’intégrité de nos banquiers centraux et de tous ceux en charge de la politique monétaire[5].

    Si l’Histoire doit nous servir de guide

    Le concept de monnaie à cours légal et forcé n’est pas nouveau, la première expérience de monnaie fiat remonte au XIIIème siècle. Elle est attribuée à Kubilai Khan, petit-fils de Gengis Khan, qui le premier avait compris l’immense pouvoir que confère le monopole monétaire à celui qui le détient. Malheureusement cette première expérience se solda par un premier fiasco, cette monnaie perdant en moins de 30 ans 80 % de sa valeur. Dévaluations et crises que connaîtront de nombreuses monnaies papier tout au long de l’histoire : sur les 786 principales monnaies papier émises au cours des derniers siècles (exceptées les très nombreuses monnaies chinoises d’avant 1935), 609 ont disparu soit 77% des monnaies étudiées, leur durée de vie n’ayant été en moyenne que de 17 ans. Quant aux 177 monnaies encore en circulation aujourd’hui, leur moyenne d’âge est de 37 ans. Ainsi il n’est pas improbable du tout de connaître plusieurs monnaies fiat au cours d’une vie, pour ma part j’en suis à 2, mes parents à 3. Les monnaies fiat se font et se défont, je vous laisse faire votre propre compte.

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  3. - voir graphique sur site -

    L’inflation est le principal fléau de la monnaie papier, dans 19% des cas la monnaie est brutalement détruite par des épisodes d’hyperinflation[6]. Mais même lorsqu’elles ne sont pas détruites, des monnaies pourtant anciennes et respectables, garanties par de puissants États, sont drastiquement et systématiquement affectées par l’inflation. La livre sterling (Pound Sterling GBP), la plus ancienne monnaie fiduciaire ayant cours (320 ans d’existence) a perdu 92 % de sa valeur depuis 1971, idem pour le Dollar américain (USD) qui au cours de ses 222 ans d’existence a perdu 97 % de sa valeur, dont 83 % de dépréciation depuis 1971 seulement ![7].

    Cette funeste tendance de la monnaie fiat à perdre sa valeur a d’ailleurs été parfaitement analysée par de nombreux grands esprits. Voltaire disait déjà en son temps : « Une monnaie papier, basée sur la seule confiance dans le gouvernement qui l’imprime, finit toujours par retourner à sa valeur intrinsèque, c’est-à-dire zéro. » De même que le Général de Gaulle affirmait : « Parier contre l’or revient à parier sur les gouvernements. Celui qui parie sur les gouvernements et leur papier monnaie parie contre 6.000 années d’histoire de l’humanité »[8].

    Bien entendu on peut espérer que cette fois-ci ce soit différent, que les erreurs du passé aient été assimilées, que désormais de solides institutions encadrent fermement la production et la circulation monétaire et que youpi, tout soit bien géré ! C’est possible en effet, néanmoins quand on s’intéresse à l’Euro, on est aussi en droit d’avoir de sérieux doutes.

    L’Eurosystème

    L’Euro comme toutes les monnaies fiat naît d’une volonté politique, celle d’établir une monnaie unique entre les différents États membres d’une union économique et monétaire (UEM). C’est le traité de Maastricht de 1992 qui définit les règles fondamentales à l’introduction de l’Euro, dictant notamment les conditions que les États membres doivent remplir pour adopter l’Euro. Ces conditions portent le doux nom de « critères de convergence » et sont incluses depuis 1997 dans ce qu’on appelle le « Pacte de stabilité et de croissance »[9]. Ces critères supposent notamment le respect d’une certaine discipline budgétaire. Discipline, bien entendu, qu’ont promis de respecter, la main sur le cœur, tous les représentants des États signataires du traité.

    Néanmoins, si malgré ses promesses les plus sincères, un État membre venait à ne pas respecter ses engagements budgétaires, le pacte de stabilité prévoit le déclenchement d’une procédure de déficit excessif à son encontre. L’État membre devant alors corriger ses déficits dans une échéance impartie, faute de quoi il est passible de sanctions.

    Et bien accrochez-vous : Sur les 27 États membres de l’Union européenne, 24 font actuellement l’objet d’une procédure pour déficit excessif (dont 15 des 17 Etats ayant adopté l’euro) !![10] Ça a quand même quelque chose d’effrayant de penser que sur 27 États membres, 24 ne respectent pas leur engagements !

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  4. Ajoutez à cela qu’à l’échelle nationale notre État Français dépense systématiquement plus qu’il ne gagne depuis 40 ans ! Que le dernier budget équilibré remonte à 1974, ce qui nous fait un total de 40 années consécutives de déficit public ! Et vous commencerez peut être à ressentir les premiers frissons d’effroi quant aux capacités de nos autorités administratives à gérer sainement la monnaie qu’elles nous imposent.

    Mais le plus grand danger, la principale source d’angoisse de Satoshi, réside dans le fait que ce système concentre entre quelques mains seulement un pouvoir incommensurable. Le conseil des gouverneurs, l’organe de décision suprême de la BCE, dont très probablement vous ne connaissez ni le visage, ni le nom d’aucun de ses membres, excepté peut-être celui de son président Mario Draghi, définit et met en œuvre la politique monétaire européenne. Cela signifie que ce groupe de 22 banquiers centraux est en mesure de prendre, à sa discrétion, des décisions portant sur des montants monétaires considérables, (des milliers de milliards d’euros !), et dont les effets (inflation, bulles spéculatives…) se répercuteront ensuite sur tous les citoyens européens, sans bien entendu, que ces derniers n’aient été consultés au préalable.

    À titre d’exemple on peut citer la mise en place en décembre 2011 et février 2012 de deux mesures dites pudiquement « non conventionnelles » (VLTRO), destinées à prêter à des banques en difficulté des montants astronomiques : 1018 milliards d’euros. La mise en place en mai 2010 d’un programme d’achat (indirect) d’obligations d’État (Grecques, Espagnoles etc.) nommée SMP (Securities Market Program) qui s’est élevé à 210 milliards d’euros en deux ans et continue maintenant sous un autre nom OMT (Opérations monétaires sur titres). Enfin comment ne pas parler du programme actuel d’assouplissement quantitatif de la BCE, (Quantitative Easing, QE pour les anglophones) qui apporte actuellement 60 milliards d’euros par mois de liquidités sur les marchés et qui vient compléter les opérations extraordinaires (merveilleuses, fabuleuses…) de refinancement des banques nommées cette fois T-LTRO et dont la dernière édition a été souscrite à hauteur de 98 milliards d’euros par les banques au taux d’ami de 0,05%[11].

    Il pleut, au gré de la météo des dieux de la BCE, des milliards d’euros sur les marchés financiers. Le CAC 40 est luxuriant, mais ça reste quand même très localisé, jusqu’à présent pas une goutte n’est tombée sur mon compte en banque.

    A-t-on oublié Montesquieu ?

    « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser » [12]?
    A-t-on pour but de satisfaire l’ambition de Mayer Amshel Rothschild (1743-1812) « Donnez-moi le contrôle sur la monnaie d’une nation et je n’aurai pas à me soucier de ceux qui font ses lois. » ?

    Telle est l’angoisse de Satoshi Nakamoto !

    Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de dire qu’un organisme privé ferait mieux qu’un organisme public ou vice versa, ce n’est pas le sujet. Le problème réside dans la concentration excessive des pouvoirs. Cette capacité qu’a un petit comité de décider qui a le droit de disposer de la monnaie créée, selon quelles modalités, d’en imposer le cours forcé et légal aux citoyens, d’interdire toute concurrence à son monopole sous peine d’emprisonnement, c’est cela le plus grand danger du système !

    Alors comment fait-on pour se prémunir de ces abus, comment se dote-t-on d’une monnaie saine ?

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  5. Les alternatives à ce système

    Cet article étant déjà assez long, nous conclurons en citant de nouveau Montesquieu : « pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

    Appliquée à la monnaie, la solution historique consiste à limiter le pouvoir des émetteurs en recourant à des supports monétaires naturellement rares tels les métaux précieux[13]. Par ailleurs, il est également urgent de repenser le rôle des citoyens, non pas en sujets captifs d’un système et d’une monnaie imposée par des technocrates non élus, mais en tant qu’arbitres et acteurs du système. Il faut donc rompre avec le monopole bancaire de l’émission monétaire et enfin donner le droit aux citoyens de choisir librement parmi des monnaies complémentaires celle qu’ils jugent la mieux gérée, la mieux adaptée à leurs besoins et la plus proche de leurs valeurs. C’est seulement de la sorte que chaque citoyen pourra peser sur la politique monétaire de son pays et rester maître de son argent.

    Notons pour conclure que l’innovation technologique Bitcoin s’inscrit parfaitement dans cette logique, il s’agit du premier protocole permettant une gestion et un contrôle communautaire, à grande échelle, de la monnaie. Bitcoin est la première monnaie open-source et participative de l’histoire ! Voilà un fantastique contre-pouvoir monétaire à la portée de chaque citoyen du globe, certains grincent des dents, nous on adore, merci Satoshi !

    http://bitconseil.fr/l-angoisse-de-satoshi/

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  6. Les dangers d’une société sans moyens de paiement anonymes (1ère partie)


    Le 26 Oct 2016 à 12h00,
    par Benoit Huguet


    Au nom de la lutte contre le terrorisme, au nom de la lutte contre le blanchiment d’argent, au nom de la sécurité de nos enfants, nous nous dirigeons docilement vers un régime de surveillance financière de masse.

    Et alors me direz-vous ? Faudrait-il davantage de morts, de blessés et de drames pour que nous réagissions enfin ? Il s’agit de la sécurité du pays, de la sécurité de millions d’innocents. Au diable la vie privée !

    STOP ! Je vous arrête tout net. La réalité est différente. Il ne s’agit pas de troquer un peu de vie privée contre un peu de sécurité. Il s’agit de sacrifier avec certitude sa vie privée sans aucune garantie en retour d’accéder à une société plus sûre. De fait, ce régime de surveillance financière de masse vers lequel nous nous dirigeons en chantant risque de tous nous mener vers une société à la fois moins libre et moins sûre. De grâce pensez-y !

    Le Narratif :

    – «Nous devons priver les terroristes des ressources qu’ils utilisent pour commettre leurs crimes odieux […]. Il est essentiel que nous collaborions sur la question du financement du terrorisme pour obtenir des résultats et protéger la sécurité des citoyens européens. »

    – « Nous voulons améliorer la surveillance des nombreux moyens financiers utilisés par les terroristes, de l’argent liquide aux objets culturels en passant par les monnaies virtuelles et les cartes prépayées anonymes, tout en évitant de faire inutilement obstacle au bon fonctionnement des paiements et des marchés financiers pour les citoyens ordinaires qui respectent la loi.»

    Extrait du plan d’action de la Commission européenne contre le financement du terrorisme, déclarations respectives de Frans Timmermans et de Valdis Dombrovskis, vice-présidents de la Commission européenne, le 2 février 2016.

    L’enfer sécuritaire est pavé de bonnes intentions, ou au minimum de beaux discours. Malheureusement, s’acharner contre les moyens de paiement anonymes au prétexte que les criminels s’en servent c’est se tromper de cible. C’est se laisser aveugler par la colère ou la peur et tomber dans une logique totalitaire qui omet toute une partie de la réalité. J’ai déjà combattu ce type de raccourcis dans un article consacré à Bitcoin et au terrorisme, j’y reviens brièvement.

    Une réalité tronquée :

    D’une part, les moyens de paiement anonymes permettent aussi de préserver la vie privée et la sécurité des citoyens honnêtes. Ne pas donner son identité, l’adresse de son domicile et tous les chiffres de sa carte bancaire à n’importe qui, c’est encore la meilleure façon d’éviter les ennuis. A ce titre, priver les citoyens honnêtes de moyens de paiement anonymes, comme le cash, c’est les priver d’un moyen de protection simple et ancestral, il ne faut pas l’oublier ! J’y reviendrai dans le prochain article.

    D’autre part, s’il fallait interdire ou surveiller tout ce qu’utilisent les terroristes on pourrait absolument tout interdire ou surveiller. C’est une logique totalitaire stérile.

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  7. Les terroristes conduisent des voitures, communiquent avec des téléphones portables, surfent sur Internet, ils regardent la télé, certains lisent des livres, souvent sacrés, ils vivent dans des maisons, des appartements, ils s’y cachent, ils y complotent, ils y conspirent… Faut-il pour autant nous forcer à vivre dans des maisons sans volets ni serrures ? Interdire l’accès à toute source d’information à moins qu’elle n’ait été accréditée, jugée conforme ? Faut-il que toutes nos conversations et nos recherches Internet soient espionnées et conservées ad vitam aeternam par des cellules de renseignement sans visages ? Ou faut-il encore que tous nos déplacements soient géolocalisés et que le moindre de nos achats soit archivé ? Est-ce cela le prix à payer pour vivre en sécurité ?

    Pour éviter que cette dystopie ne devienne notre réalité quotidienne, il est nécessaire de résister aux promesses de sécurité qui ne seront pas tenues, car dans leurs sillons ce sont nos libertés élémentaires qui seront sacrifiées. Ironie du sort, c’est exactement ce que souhaitent les terroristes !

    Bruce Schneier, grand écrivain et cryptologue américain, éminent spécialiste des problématiques de sécurité et de vie privée, ayant notamment étudié l’impact des mesures sécuritaires établies aux USA à la suite des attentats du 11 septembre 2001, résume bien la situation :

    Malgré la rhétorique anxiogène qui affirme le contraire, le terrorisme n’est pas une menace transcendante. Une attaque terroriste ne peut pas détruire le mode de vie d’un pays ; c’est seulement notre réponse à cette attaque qui peut faire ce genre de dégâts. Plus nous dévoyons nos propres lois, plus nous convertissons nos immeubles en forteresses, plus nous réduisons nos libertés et les libertés à l’origine de nos sociétés, plus nous faisons le travail des terroristes à leur place.

    Bruce Schneier, Beyond Security Theater, New Internationalist, n° 427, novembre 2009.
    Mais revenons-en à notre problématique de surveillance des moyens de paiement.

    Comment juger de l’opportunité d’une nouvelle politique de surveillance ?

    Méthodologie :

    Pour analyser la pertinence de la politique de surveillance financière de masse voulue par nos élites, reprenons la méthodologie de Bruce Schneier :

    La première question à se poser à propos de toute nouvelle mesure de sécurité c’est : quel problème résout-elle ? La seconde : quels problèmes engendre-t-elle, en particulier quand elle échoue.

    Bruce Schneier, The Atlantic Monthly, Special Report, Homeland Insecurity, septembre 2002
    Dans notre cas, cela revient à se demander dans un premier temps si la politique de lutte contre les moyens de paiement anonymes est efficace pour combattre le terrorisme et protéger la sécurité des citoyens honnêtes. Autrement dit, cette politique a-t-elle une chance de résoudre les problèmes auxquels elle prétend s’attaquer ?

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  8. Enfin, il ne faut pas oublier d’évaluer les effets secondaires d’une telle politique. En particulier les nouveaux risques qu’elle engendre, comme la centralisation des données sensibles et le risque accru de vol d’identité et d’abus de pouvoir qui en résulte.

    Au final, il s’agit en quelque sorte d’appliquer l’un des fameux adages de Winston Churchill :

    Aussi belle soit la stratégie, vous devriez de temps en temps regarder ses résultats.

    Winston Churchill
    La comédie sécuritaire, (theater security).

    Suivant la méthodologie de ce cher Bruce Schneier essayons donc de répondre à la première question qui mérite d’être posée :

    La politique de lutte contre les moyens de paiement anonymes est-elle efficace pour combattre le terrorisme et protéger la sécurité des citoyens honnêtes ?

    Sans effet chez les voisins :

    Une première approche intéressante consiste à étudier les résultats obtenus par tous ceux qui ont déjà essayé la méthode ou qui s’en sont approchés. À ce propos, écoutons Carl Ludwig Thiele, membre du conseil de la Bundesbank, la banque centrale allemande, un homme direct :

    “Comment les restrictions sur les paiements en espèces limitent-elles la criminalité dans les autres pays ?
    Je ne suis pas au courant que dans les pays avec des restrictions sur les paiements en espèces, comme l’Italie ou la France, la criminalité soit proportionnellement plus faible que dans les pays sans limite supérieure [comme l’Allemagne].”

    Extrait d’un discours magistral de Carl Ludwing Thiele membre du conseil de la Bundesbank en défense des paiements en espèces. Le 13 avril 2016.

    Les statistiques d’Eurostat confirment les propos du banquier central allemand; malgré l’absence de plafonnement des paiements en espèces en Allemagne et en Autriche, ces deux pays n’ont rien à envier à la France ou l’Italie en termes de criminalité.

    Autre exemple frappant, malgré les pressions exercées par le GAFI[1], Hong Kong n’impose aucune limite sur les paiements ni le transport d’espèces. Ce qui signifie que n’importe qui peut passer la frontière hongkongaise avec 100 000€ ou plus en liquide et dépenser des sommes folles en espèces sur le territoire sans jamais être inquiété ni fouillé au corps par les autorités locales[2]. Eh bien malgré cette politique que certains jugeront inconsciente, la criminalité dans ce pays est l’une des plus faibles au monde, bien inférieure à celle de la France, comme en témoignent régulièrement les rapports de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC).

    La première vérité oubliée qui ressort de ces observations c’est que les gens honnêtes ne se transforment pas subitement en dangereux sociopathes dès qu’ils ont accès à des moyens de paiement anonymes. Autrement dit, ce ne sont pas les moyens de paiement anonymes qui engendrent la violence dans la société ! Il existe des pays qui ne plafonnent pas les paiements en espèces et qui ne sombrent pas pour autant dans le chaos.

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  9. Les causes de l’insécurité sont à chercher ailleurs : problèmes de justice, de police, d’éducation, de désœuvrement, autant de problèmes qu’une suppression des moyens de paiement anonymes ne résout pas. Ce qui m’amène à mon second point : la suppression des moyens de paiement anonymes ne fera pas disparaître la criminalité et on peut même douter qu’elle la réduise.

    Sans effet sur les causes profondes :

    Comme les attentats de Nice l’ont prouvé, même sans cash et sans anonymat, même en état d’urgence, les terroristes continuent d’exister et d’être dangereux. Ils peuvent toujours présenter un permis de conduire en règle délivré par la préfecture, louer un camion en payant par carte bancaire ou par chèque et aller écraser des innocents avec. Autrement dit, les kamikazes n’arrêteront pas de se faire sauter et les terroristes n’arrêteront pas de commettre des attentats parce que les paiements en espèces ou en bitcoins sont interdits.

    Et il en va de même pour tous les psychopathes violents qui créent de l’insécurité, de la vraie. Puissiez-vous interdire jusqu’à l’existence même de la monnaie, les cambrioleurs seront toujours intéressés par votre iPhone ou vos bijoux, les racketteurs trouveront encore vos fringues à leur goût, votre carte bleue ne vous protégera pas de la ratonnade, quant aux violeurs, aux tortionnaires et aux tueurs, votre portefeuille n’est qu’un bonus !

    Ce n’est pas un discours fataliste, c’est une réalité ! On ne résoudra pas les problèmes d’insécurité de notre pays sans s’attaquer à leurs causes profondes :

    Justice aux abois : tribunaux et magistrats débordés, prisons surpeuplées, sanctions et application des peines aléatoires.
    Inflation législative ubuesque ! Véritable déni du droit :
    Les lois inutiles affaiblissent les nécessaires.

    - voir tableau sur site -

    Montesquieu, De l’esprit des lois.
    Police impuissante, en sous-effectif et en colère, existence de zones de non-droit, agressions en hausse.
    Education en déroute, niveau général des élèves en baisse, absentéisme, violences…education-france-cnesco
    Complaisance face au fanatisme religieux, financement public de mouvements intégristes.
    Politique étrangère désastreuse, guerres en Lybie, au moyen orient etc.
    Chômage, désœuvrement, clientélisme social…
    Etc. (cette liste ne se prétend pas exhaustive).
    Autant de problèmes que la lutte contre les moyens de paiement anonymes ne résout pas et raison pour laquelle il est peu probable qu’elle fasse baisser la criminalité.

    “Les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore.”
    Aldous Huxley

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  10. Cette stratégie politique est d’autant plus navrante que les pays qui font des choix inverses, à savoir :

    S’attaquer aux causes premières de l’insécurité et du terrorisme : disposer d’une justice et d’une police efficace, d’une éducation performante, d’une économie compétitive offrant des perspectives d’emploi, d’une politique étrangère pacifique etc.

    Ne pas limiter l’accès à des moyens de paiement anonymes : paiements en espèces non plafonnés.

    Ces pays-là obtiennent de très bons résultats en terme de sécurité ! À l’exemple de Hong-Kong notamment.

    De là à conclure que la politique de lutte contre les moyens de paiement anonymes s’apparente à ce que Bruce Schneier qualifie de comédie sécuritaire (Security Theater), à savoir des mesures de sécurité ostensibles destinées à donner au public une impression de sécurité sans pour autant améliorer la sécurité réelle du public, il n’y a qu’un pas…

    Mais passons, admettons que ces mesures soient efficaces, au moins un minimum. Elles peuvent effectivement dissuader certains criminels de passer à l’acte, peut-être pas les plus dangereux déterminés à frapper quelles qu’en soient les conséquences, certainement pas les mieux informés capables de contourner la surveillance, mais quand même quelques-uns.

    Le gambit sécuritaire.

    Malheureusement, une mesure de sécurité parfaitement efficace n’est pas forcément heureuse ni souhaitable pour autant ! Par exemple, stopper tout le trafic aérien et maintenir indéfiniment les avions au sol dans le but d’éviter qu’un attentat du type 11 septembre 2001 se reproduise est certainement efficace, ce n’est pas une solution acceptable pour autant. Le sacrifice demandé est trop important. C’est l’un des apports majeurs de Bruce Schneier : tout gain en sécurité implique toujours une sorte de compromis, que ce soit en terme d’argent, de temps, de confort, de capacité, de liberté etc. Sécuriser sa maison au moyen d’un verrou suppose par la suite d’en conserver la clé et de devoir s’en servir à chaque fois que l’on rentre chez soi. Utiliser un mot de passe pour sécuriser l’accès à ses e-mails suppose par la suite de le retenir et de le taper à chaque connexion etc.

    Le corollaire fondamental de cette observation c’est qu’il est impossible de juger de la pertinence d’une mesure de sécurité, fût-elle efficace, sans considérer avec attention les sacrifices qu’elle nous impose.

    Pour paraphraser Bruce Schneier :

    Cela ne fait aucun sens d’apprécier une mesure de sécurité simplement en termes d’efficacité. « Cela est-il efficace contre une menace ? » est la mauvaise question à poser. Il faut se demander : « est-ce un bon compromis ?» Les gilets pare-balles marchent bien et sont très efficaces pour arrêter les balles. Pourtant, pour la plupart d’entre nous, vivant dans des pays industrialisés respectueux du droit et relativement sûrs, en porter un n’est pas un bon compromis. Le gain de sécurité n’en vaut pas la peine : ça n’en vaut pas le prix, l’inconfort, ou le côté inesthétique. Déménagez dans une autre région du monde et vous pourriez reconsidérer ce compromis.

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  11. Bruce Schneier, The Psychology of Security (Part 1), Janvier 2008.
    Voilà pourquoi même en supposant que la lutte contre les moyens de paiement anonymes soit efficace pour juguler la criminalité et le terrorisme, cela ne nous dispense pas pour autant de répondre à la seconde question de Bruce Schneier, celle que personne ne pose jamais alors même qu’elle est capitale :

    Quels sont les inconvénients d’une politique de surveillance de masse des moyens de paiement ?
    En particulier, quels sont les risques que cette politique fait peser sur chacun d’entre nous ?

    Je m’attacherai à répondre en détail à ces questions dans le prochain article.

    Conclusion :

    Pour justifier le déploiement d’une surveillance financière de masse nos bienveillants technocrates rappellent sans cesse que les moyens de paiement anonymes peuvent-être utilisés par les terroristes pour « commettre leurs crimes odieux ».

    Fort bien, cette affirmation angoissante est exacte, les terroristes utilisent le cash, internet, les téléphones portables, ils prennent les transports en commun et se serviront immanquablement un jour de Bitcoin et des protocoles de registres distribués (alias ces fameuses blockchains). Il n’en demeure pas moins que le raisonnement et le remède proposé par nos technocrates sont à la fois réducteurs et terriblement dangereux !

    D’une part, la lutte contre les moyens de paiement anonymes est aveugle. Elle affecte indistinctement les innocents et les criminels. Au final, suivant cette politique, au même titre que les terroristes, les citoyens honnêtes n’auront plus accès aux moyens de paiement qui leur permettaient de préserver la confidentialité de leurs transactions et de protéger leur vie privée. D’ailleurs dans la pratique, il est vraisemblable que cette politique impactera en premier lieu les gens honnêtes qui respectent la loi par opposition aux criminels qui ne la respectent pas et n’ont pas l’intention de s’y plier.

    D’autre part il n’est pas prouvé que cette politique soit efficace. Il existe de nombreux contre-exemples de pays dans lesquels les paiements en espèces sont très peu contrôlés et qui ne connaissent pas pour autant une criminalité exacerbée. Surtout, cette politique ne traite en rien les causes profondes de l’insécurité et de la violence dans notre société (problèmes de justice, de police, d’éducation etc.).

    Enfin, et c’est l’aspect crucial sur lequel je reviendrai dans le prochain article, tous ceux qui proposent ces mesures de surveillance ne se donnent jamais la peine d’en étudier les conséquences négatives. En particulier, les autorités de régulation ne font aucune analyse des risques inhérents à la disparition des moyens de paiement anonymes et à la mise en place d’un système de surveillance financière de masse. Pourtant ces risques existent et ils ne sont pas négligeables du tout !! Si la loi nous oblige à divulguer notre identité ou notre domicile et nos coordonnées bancaires pour chaque transaction, ou si la loi oblige les commerçants, les banques et au final n’importe quel intermédiaire financier à recueillir, stocker, et communiquer ces informations personnelles à des cellules de renseignement, qui les centraliseront et les conserveront durant des années , que se passera-t-il le jour où ces données sensibles seront volées, vendues, ou utilisées à mauvais escient ? Qui peut prétendre que cela n’arrivera pas ?

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  12. L’usurpation d’identité et de coordonnées bancaires coûte des dizaines de milliards de dollars chaque année et a déjà affecté des centaines de millions de personnes dans le monde. Ceux qui en ont déjà été victimes comprennent certainement la menace. Quant aux exemples historiques de programmes de surveillance de masse ayant viré au cauchemar, ils ne manquent pas. Toute personne ayant eu la joie de naître en RDA ou dans un pays du bloc communiste à la belle époque vous le confirmera certainement[3]. En réponse, le premier moyen vraiment efficace, simple et ancestral pour se protéger contre ces risques, c’est de ne pas communiquer, ou le moins possible, de données sensibles lors d’une transaction. C’est exactement ce que permettent les paiements en espèces depuis des centaines d’années et plus récemment, sur internet, les paiements en bitcoins. En revanche, dans une société sans moyens de paiement anonymes tout le monde est exposé quotidiennement à ces risques et il est absolument impossible de s’en prémunir efficacement. Une fois communiquée à un tiers, toute donnée sensible personnelle est susceptible d’être volée, vendue ou utilisée à mauvais escient. Plus la loi nous oblige à transmettre des données personnelles sensibles, plus elle nous expose à ces risques et il n’existe aucune mesure technique qui permette de pallier ce problème (j’y reviendrai dans le prochain article).

    La morale de l’histoire c’est que toute mesure de sécurité a ses inconvénients et la politique de lutte contre les moyens de paiement anonymes ne fait pas exception à la règle. Refuser de considérer les limites et les risques de cette politique de surveillance ne nous aidera pas à établir les bonnes mesures de sécurité pour combattre le terrorisme.

    “Les faits ne cessent pas d’exister parce qu’on les ignore.”

    Aldous Huxley, Bis Repetita !
    Pire, cet aveuglement pourrait tous nous mener vers une société à la fois moins libre et moins sûre.

    http://bitconseil.fr/dangers-dune-societe-moyen-de-paiements-anonymes-1ere-partie/

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