YVES FAUCOUP Mediapart ven., 31 juil. 2015 04:44 UTC
Le taux de mortalité infantile a progressé en Grèce, depuis le début de la crise, de 43 %. C'est à ce taux que l'on reconnaît le niveau de développement d'un pays. La Tourmente grecque, film de Philippe Menut, rappelle cette triste réalité, et bien d'autres, qui montrent que la Grèce sert de "cobaye" aux spéculateurs.
Le réalisateur, Philippe Menut, a été journaliste à France 2 et à France 3. Ce film, débuté en 2012, est régulièrement actualisé. Il décrit la crise humanitaire, véritable "guerre économique et sociale" : 30 000 sans-abri à Athènes, retraites réduites de 25 %, budget de la santé amputé du tiers, chômage multiplié par 3, services publics sinistrés. Alors que les prix sont ceux de Paris ou de Londres, les salaires sont ceux de Bulgarie. Le salaire minimum est à 480 €, 40 % des Athéniens ont passé le dernier hiver sans chauffage.
On accuse les Grecs de ne pas payer d'impôts, alors même que les impôts sont prélevés à la source (ce qui n'est même pas le cas de la France). Ce sont les armateurs qui ne payent pas d'impôts, ce qui a grandement donné cette image d'une Grèce non imposée, mais la troïka n'y voit pas d'objections.
On reproche aux Grecs de ne pas travailler : or ce sont eux qui travaillent le plus en Europe [je vérifie sur AlterEcoPlus : c'est vrai, ils travaillent en moyenne 40,6 heures, plus que l'Allemagne, 35,3 et que la France 35,7, qui notons-le au passage travaille donc plus que l'Allemagne].
On parle de corruption : en fait, par définition, elle n'est pas connue, mais serait comparable à ce qui existe ailleurs. Rappeler la dernière guerre agace : mais tout de même, il faut savoir que 400 000 Grecs sont morts de faim à cette époque. L'occupation allemande a été terrible : les Grecs ont résisté et des milliers d'entre eux ont été massacrés en représailles. A l'époque, l'Allemagne a empruntés, à la Grèce, 54 milliards d'équivalent euros actuels et a fait payer aux Grecs les frais d'occupation. Le commentaire du film dit que l'Allemagne aurait une dette envers la Grèce de 162 Mds€.
Selon Médecins du Monde, le taux de mortalité infantile a augmenté de 43 %. C'est à ce taux que l'on mesure l'état de santé et de développement d'un pays. Une baisse de ce taux est significatif de la tragédie que traverse ce pays [je rappelle que le démographe Emmanuel Todd, en 1976, dans La Chute finale, a prédit la chute de l'URSS parce qu'il a découvert que son taux de mortalité infantile avait cessé de baisser et que même ce taux remontait]. Les avortements sont en hausse de 30 %. Plus d'1/3 de la population est sans protection sociale. On réutilise les médicaments des malades décédés.
Le budget de l'éducation nationale s'est effondré. Plus de 1000 écoles primaires et secondaires ont été fermées. Des enfants s'évanouissent à l'école à cause de la faim.
Des chantiers navals ont fermé, tous les dockers sont désormais des intérimaires. Le port du Pirée a été bradé aux Chinois (Cosco) pour 500 000 €, pour en disposer pendant 35 ans. Les Conventions collectives ont été rendues caduques. Sur contrainte de la Troïka, des femmes de ménage des ministères ont été licenciées ce qui a provoqué des manifestations monstres aux gants (de ménage) rouges. La télévision ERT a été fermée : 2600 employés licenciés, qui, refusant ce diktat, ont autogéré la télé (réouverte avec Syrisa).
45 îles grecques ont été vendues, bradées, dont 7 achetées par le Qatar (pour 3 millions d'euros). Certes, la Grèce est sensée avoir reçu 245 Mds€ depuis 2010 : mais l'économie grecque n'en a presque pas vu la couleur, car cela, comme on le sait, a été redistribué aux créanciers (banques internationales qui avaient prêtés à des taux exorbitants à l'État grec) : 48,98 % aux créanciers privés, 28,3 % aux banques, 22 % on ne sait pas (chiffres d'Attac Autriche). Les banques grecques contractaient des prêts auprès de la BCE au taux de 1 % et prêtaient à l'État grec à 20 % et plus.
Une journaliste de Bilan (média suisse) explique pourquoi la Grèce a été attaquée : car c'est un petit pays avec un petit marché obligataire : "c'était une opportunité évidente pour les spéculateurs". Un trader de Londres dit qu'il se couche tous les soirs en espérant la récession, compte tenu des profits qu'il peut en tirer. Le ministre de la culture de Tsipras dit que la Grèce a été un "cobaye". Le film émet le souhait que les États européens puissent emprunter directement à la BCE et rappelle que, pour la France elle-même, si les taux des marchés n'avaient pas été à une époque aussi élevés et s'il n'y avait pas eu les baisses d'impôts des années 2000, sa dette ne serait que de 740 milliards d'euros (et non pas de 2040).
Philippe Menut, qui arrête son film à la victoire de Syrisa en janvier, va très prochainement sortir une version mise à jour. Mais il y a fort à parier que les fauteurs de ce Coup d'État financier, si la solidarité avec la Grèce n'est pas davantage affirmée en Europe, continueront à prôner sans scrupules l'écrasement d'un peuple. Sous nos yeux.
La Tourmente grecque
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Mediapart
ven., 31 juil. 2015 04:44 UTC
Le taux de mortalité infantile a progressé en Grèce, depuis le début de la crise, de 43 %. C'est à ce taux que l'on reconnaît le niveau de développement d'un pays. La Tourmente grecque, film de Philippe Menut, rappelle cette triste réalité, et bien d'autres, qui montrent que la Grèce sert de "cobaye" aux spéculateurs.
Le réalisateur, Philippe Menut, a été journaliste à France 2 et à France 3. Ce film, débuté en 2012, est régulièrement actualisé. Il décrit la crise humanitaire, véritable "guerre économique et sociale" : 30 000 sans-abri à Athènes, retraites réduites de 25 %, budget de la santé amputé du tiers, chômage multiplié par 3, services publics sinistrés. Alors que les prix sont ceux de Paris ou de Londres, les salaires sont ceux de Bulgarie. Le salaire minimum est à 480 €, 40 % des Athéniens ont passé le dernier hiver sans chauffage.
On accuse les Grecs de ne pas payer d'impôts, alors même que les impôts sont prélevés à la source (ce qui n'est même pas le cas de la France). Ce sont les armateurs qui ne payent pas d'impôts, ce qui a grandement donné cette image d'une Grèce non imposée, mais la troïka n'y voit pas d'objections.
On reproche aux Grecs de ne pas travailler : or ce sont eux qui travaillent le plus en Europe [je vérifie sur AlterEcoPlus : c'est vrai, ils travaillent en moyenne 40,6 heures, plus que l'Allemagne, 35,3 et que la France 35,7, qui notons-le au passage travaille donc plus que l'Allemagne].
On parle de corruption : en fait, par définition, elle n'est pas connue, mais serait comparable à ce qui existe ailleurs. Rappeler la dernière guerre agace : mais tout de même, il faut savoir que 400 000 Grecs sont morts de faim à cette époque. L'occupation allemande a été terrible : les Grecs ont résisté et des milliers d'entre eux ont été massacrés en représailles. A l'époque, l'Allemagne a empruntés, à la Grèce, 54 milliards d'équivalent euros actuels et a fait payer aux Grecs les frais d'occupation. Le commentaire du film dit que l'Allemagne aurait une dette envers la Grèce de 162 Mds€.
Selon Médecins du Monde, le taux de mortalité infantile a augmenté de 43 %. C'est à ce taux que l'on mesure l'état de santé et de développement d'un pays. Une baisse de ce taux est significatif de la tragédie que traverse ce pays [je rappelle que le démographe Emmanuel Todd, en 1976, dans La Chute finale, a prédit la chute de l'URSS parce qu'il a découvert que son taux de mortalité infantile avait cessé de baisser et que même ce taux remontait]. Les avortements sont en hausse de 30 %. Plus d'1/3 de la population est sans protection sociale. On réutilise les médicaments des malades décédés.
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Le budget de l'éducation nationale s'est effondré. Plus de 1000 écoles primaires et secondaires ont été fermées. Des enfants s'évanouissent à l'école à cause de la faim.
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45 îles grecques ont été vendues, bradées, dont 7 achetées par le Qatar (pour 3 millions d'euros). Certes, la Grèce est sensée avoir reçu 245 Mds€ depuis 2010 : mais l'économie grecque n'en a presque pas vu la couleur, car cela, comme on le sait, a été redistribué aux créanciers (banques internationales qui avaient prêtés à des taux exorbitants à l'État grec) : 48,98 % aux créanciers privés, 28,3 % aux banques, 22 % on ne sait pas (chiffres d'Attac Autriche). Les banques grecques contractaient des prêts auprès de la BCE au taux de 1 % et prêtaient à l'État grec à 20 % et plus.
Une journaliste de Bilan (média suisse) explique pourquoi la Grèce a été attaquée : car c'est un petit pays avec un petit marché obligataire : "c'était une opportunité évidente pour les spéculateurs". Un trader de Londres dit qu'il se couche tous les soirs en espérant la récession, compte tenu des profits qu'il peut en tirer. Le ministre de la culture de Tsipras dit que la Grèce a été un "cobaye".
Le film émet le souhait que les États européens puissent emprunter directement à la BCE et rappelle que, pour la France elle-même, si les taux des marchés n'avaient pas été à une époque aussi élevés et s'il n'y avait pas eu les baisses d'impôts des années 2000, sa dette ne serait que de 740 milliards d'euros (et non pas de 2040).
Philippe Menut, qui arrête son film à la victoire de Syrisa en janvier, va très prochainement sortir une version mise à jour. Mais il y a fort à parier que les fauteurs de ce Coup d'État financier, si la solidarité avec la Grèce n'est pas davantage affirmée en Europe, continueront à prôner sans scrupules l'écrasement d'un peuple. Sous nos yeux.
http://fr.sott.net/article/26111-La-Tourmente-grecque